C’est son avis « Mettre le pied à l’étrier des jeunes pour qu’ils s’engagent »
Enseignante à l’École supérieure d’agricultures d’Angers, Annie Sigwalt s’est intéressée à l’engagement collectif des jeunes agriculteurs, à leurs motivations et à ce qui les freine (1). Elle plaide pour une meilleure transmission des responsabilités entre générations.
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Des objectifs différents
Les jeunes agriculteurs qui s’engagent dans un collectif professionnel le font pour des raisons très différentes. L’hiver dernier, avec cinq de mes étudiants, nous avons interrogé 25 producteurs du Layon-Saumurois. Ces entretiens individuels sont une première étape de notre travail. Ils nous donnent des repères sur les raisons de l’engagement. Et la première tient à la volonté de maîtriser les innovations. C’est d’abord pour cela que les jeunes s’engagent, mais ce n’est pas uniquement pour cette raison. S’ils sont dans une Cuma, un groupe de progrès ou un syndicat, c’est aussi pour constituer un front commun face aux pressions. Très clairement, certains attendent de leur engagement un retour économique. Pour d’autres, il répond davantage à un besoin d’ouverture, voire d’appartenance.
De l’adhésion jusqu’au mandat
Beaucoup de jeunes ont du mal à passer le cap entre « participer à un collectif » et « y prendre des responsabilités ». Je pense qu’une des raisons tient à la durée des mandats. Dans de nombreux groupes, elle n’est tout simplement pas fixée. De facto, les jeunes craignent alors d’être liés ad vitam aeternam et isolés dans l’exercice des responsabilités. De manière plus générale, on peut dire que les collectifs ne préparent pas assez la transmission des responsabilités. Avec parfois de vrais échecs, comme pour ce jeune qui, dans un premier temps, accepte la responsabilité, et le lendemain se rétracte en disant qu’il ne va pas y arriver.
Respecter une phase d’apprentissage
Cette situation n’a pourtant rien d’inéluctable. Certains groupes savent qu’une phase d’apprentissage est nécessaire. Ils l’organisent en proposant, par exemple, un statut d’administrateur-stagiaire. Avec un peu de recul, je dirai d’ailleurs que ces groupes sont les mêmes que ceux où les responsabilités sont partagées, où tout ne repose pas sur le président. En tant qu’enseignant, il nous appartient aussi de développer la connaissance des différentes organisations agricoles. Je vois beaucoup d’élèves qui n’ont pas cette culture du « milieu » agricole. Pour ceux qui deviendront agriculteurs, c’est un frein à l’engagement.
Lever le complexe de légitimité
En début de carrière, beaucoup de jeunes agriculteurs ne se sentent pas légitimes pour représenter le collectif. Ce sentiment est encore plus fort chez ceux qui ne sont pas issus du milieu agricole. Pour moi, cette question de la légitimité renvoie surtout au fonctionnement du groupe. Et, là encore, on s’aperçoit que les choses se passent mieux quand les responsabilités sont partagées. Elle est également très liée à la manière dont le groupe entend la parole des jeunes. Idéalement, celle-ci devrait être à égalité avec celle des membres plus âgés. N’oublions pas que dans un groupe, ce sont souvent les jeunes qui amènent les innovations et, de facto, font avancer le collectif.
Propos recueillis par Anne Mabire(1) Annie Sigwalt a présenté ses travaux le 18 janvier au Sival.
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